LYNYRD SKYNYRD: One More For The Fans (2015)

Ça y est! Il est arrivé ce double album enregistré au Fox Theatre d’Atlanta en novembre dernier et tant attendu par les fans. Dix neuf titres interprétés par différents artistes venus du rock ou de la country music, des petits nouveaux qui montent, des chanteurs confirmés et quelques vieilles légendes. De quoi alimenter encore le succès de l’écurie Lynyrd Skynyrd.

Certains titres sortent particulièrement du lot et je commence par le tiercé gagnant. Sans conteste, Jamey Johnson l’emporte avec sa version dépouillée de « Four walls of Raiford ». Avec un seul dobro et sa voix rugueuse, il délivre une interprétation toute personnelle qui se rapproche le plus de l’esprit de Ronnie Van Zant. D’ailleurs, les applaudissements qui ponctuent sa prestation ne trompent pas, pas plus que les hurlements de la foule à la fin de la chanson.

Gregg Allman arrive à la corde avec « Tuesday’s gone » qu’il s’approprie complètement pour en faire un délicieux morceau de « Southern soul » avec des chœurs gospel sur le refrain, un harmonica et un beau solo de piano. La voix nostalgique de Gregg colle parfaitement à l’ambiance et à la mélodie de ce titre.

Warren Haynes caracole juste derrière avec sa vision personnelle de « Simple man ». Il fait l’impasse sur les guitares à la tierce mais il balance un solo hallucinant que je vous recommande sans hésitation.

Puis arrive le pack courant dans la catégorie des très bonnes versions.

Tout d’abord, haletant et couvert d’écume, Blackberry Smoke envoie un « Workin’ for MCA » qui ne se contente pas d’être une simple cover mais qui pète des flammes avec des guitares bien rauques ('n roll) et des solos bien rock ('n roll aussi). Jimmy Hall (l’ancien chanteur de Wet Willie) et Robert Randolph sont juste derrière avec « You got that right ». La voix de Jimmy reste toujours au top et la steel guitar de Mister Randolph (passée à travers des effets wah wah et overdrive) joue une intro d’enfer ainsi qu’un solo super rock.

Mais certaines « vieilles gloires » ne sont pas à la traîne. Ainsi, l’inamovible John Hiatt (accompagné par le groupe de rock moe.) s’en tire honorablement en restituant un très honnête « Curtis Loew » avec un bon solo de slide. Quant à Peter Frampton, il reprend avec conviction « Call me the breeze » et nous gratifie d’un solo osé mais percutant et de guitar fills sympathiques.

Les vieux complices du fameux country band Alabama auraient pu passer devant avec leur version de « Gimme three steps » et les solos de gratte inspirés de Jeff Cook mais les pêches de cuivres et les chœurs alourdissent leur performance. En dépit de cette erreur, cela reste tout de même un très bon titre. Le country man Trace Adkins galope sur « What’s your name » sans trop s’écarter de l’original tandis que Warren Haynes récidive avec une version soft de « That smell », les cuivres ne faisant pas tellement bon ménage avec ce titre. Heureusement, la guitare magique du père Warren fait oublier cette faute de goût. Jason Isbell propose une version swing à la BB King de « I know a little », avec des cuivres et des chœurs à contretemps sur le refrain ainsi qu’un très bon solo de slide.

Derrière ces outsiders arrivent les mangeurs de poussière.

Le chanteur de country Randy Houser renâcle sur « Whiskey rock n’ roller ». Sa version ne serait pas mauvaise mais l’adjonction de cuivres nuit à l’ambiance rock du morceau. Son collègue Aaron Lewis tombe dans le même piège des instruments à vent sur « Saturday night special » avec, tout de même, un bon solo de guitare. Quant au groupe de rock O.A.R., il présente une version très moyenne de « Don’t ask me no questions » avec un surprenant (et encombrant) solo de saxophone.

Le prix spécial décerné au Traîneur de Sabots revient à Cheap Trick avec sa version bordélique de « Gimme back my bullets » qui prend des libertés avec les accords de base du couplet et qui envoie un solo de guitare brouillon.

Le tour d’honneur est effectué par les vétérans classés hors concours, compte tenu de leur renommée. Charlie Daniels (le vénérable parrain du « Southern rock ») et Donnie Van Zant (dont les oreilles internes semblent aller mieux) délivrent une superbe version de « Down south jukin’ » avec des cuivres, un harmonica et le toucher de guitare inimitable de Father Charlie.

La cérémonie de remise des prix s’achève sur une grande fête musicale avec Lynyrd Skynyrd. Johnny Van Zant affirme que les absents qui siègent au paradis sont dans l’enceinte du Fox ce soir puis il se lance dans un duo avec son frère Ronnie sur « Travelin’ man ». Le groupe se lance ensuite dans l’incontournable « Free bird » dont cette énième version, musicalement parlant, n’apporte pas grand-chose de plus quand on n’est pas dans la salle. Johnny remercie le public, l’exhorte à soutenir Lynyrd Skynyrd pour les quarante prochaines années et la soirée se termine avec « Sweet home Alabama » et tous les invités au grand complet, chacun y allant de son bout de couplet. Retour au paddock. Apparemment, si l’on en croit internet, le dvd n’offrirait aucun titre supplémentaire. Bon, on ne va pas refaire le monde. Il s’agit bien d’un disque destiné aux fans mais il y en a pour tous les goûts et certaines versions valent le détour. Alors, ne nous perdons pas en conjectures sur les motivations réelles d’un tel projet et savourons, chacun avec sa sensibilité, ce disque qui témoigne de l’extraordinaire longévité des chansons de la « Bande à Ronnie ».

Olivier Aubry