THE MARSHALL TUCKER BAND : The Next Adventure (2007)

Musiciens:
Doug Gray - lead vocals / Chris Hicks - lead guitar & vocals / Stuart Swanlund - guitar & vocals
Pat Ellwood - bass / David Muse - keyboards, saxophone & flute / Barry Borden - drums & vocals
Clay Cook - steel guitar, vocals & guitar
Additional musicians : Paul Hornsby - piano & organ / Steve Keeter - organ
Ronald Radford - steel guitar & mandolin / David Johnson - fiddle, guitar & steel guitar
Melvin Seals - organ & piano / David "Ace" Allen - drums / Gabrielle Gray - lead vocals
Michael B. Smith - guitar / Keith Glenn - tambourine / Tony Heatherley - bass & guitar
Al Shaver - congas / Buddy Strong – guitar

Titres:
1 - The Guitar Playing Man
2 - Come Runnin' Like A Friend
3 - Travelin' Man
4 - I Love You That Way
5 - Cold Steel
6 - Why Am I Crying?
7 - Down The Road Before II
8 - A Sad Cowboy Song
9 - Crossroad
10 - Jesus Never Had A Motorcycle

Un nouvel album du Marshall Tucker Band est à priori une bonne nouvelle, mais, tout comme ceux de Charlie Daniels, il faut attendre de l’avoir écouté pour savoir quel style dominera (ou pas) dans la nouvelle livraison : rock, country-rock, bluesy, jazzy, patchwork ? Tout est possible avec des musiciens de cette trempe. Cette fois-ci, pas de problème pour se déterminer : « The Next Adventure » est clairement une aventure country, vaguement teintée de country-rock. Seul le « bébé » de Malvin Seals, « Travelin’ Man » (rien à voir donc avec « Skynyrd »), va explorer des terres plus bluesy. Chris Hicks y brille particulièrement à la slide, à l’harmo, et au chant solo, soutenu par une rythmique implacable, un tantinet pesante même.
Pour le reste, country à tous les étages, et pas de l’excitée : on reste calme, très calme même, avec une pedal steel omniprésente (seul deux titres y « échappent » : « Travelin’ Man », justement, et « Crossroad ») tenue en alternance par Clay Cook (une seule fois !), David Johnson et Ronald Radford, et une présence forte de mandoline, sur quatre titres, et/ou de fiddle, sur trois titres. Voilà qui colore assez fortement le son de cet album.
Les ballades dominent largement, assez classiques dans leur forme country (« Come Runnin’ Like A Friend » et son solo de fiddle, l’édifiant et nostalgique « A Sad Cowboy Song », dont l’harmo n’est pas crédité (Chris Hicks encore ?) et où Doug Gray fournit un chant soigné, « I Love You That Way », qui voit Chris Hicks partager le chant avec Gabrielle Gray, déjà vue sur le disque de Noël, et qui prend l’habitude d’intervenir sur les disques de Papa Doug, et « Down The Road Before II » écrite et interprétée par BB Borden dont on reconnaît le timbre inimitable). « Why Am I Crying? », la plus originale et œuvre de Toy Caldwell, se distingue par son rythme paisible au doux balancement jazzy sur lequel s’épanchent pedal steel et fiddle, avec encore une belle prestation vocale de Doug Gray (pléonasme ?). Leur multiplication contribue malgré tout à installer une atmosphère quelque peu lénifiante.
« The Guitar Playing Man “ illustre une country plus vive, plus sémillante, très classique aussi malgré les efforts de David Muse pour injecter un peu d’originalité à la partie de flûte, mais très plaisante, avec une opposition entre guitare acoustique et pedal steel pour les contre-chants. Les autres titres sonnent un peu plus rock, modérément pour « Cold Steel » qui bénéficie d’un très bon solo de guitare saturée, mais qui ne s’excite que sur le refrain, grâce au renfort de cette guitare justement. « Crossroad » représente le versant le plus rock de cet album, avec de superbes guitares en harmonie pour lesquelles Chris Hicks, si on en croit la pochette, ne serait pas intervenu, et qui seraient dues en fait à Stuart Swanlund. David Muse nous y octroie un sympathique solo de sax. Un bon morceau, agréablement musclé, mais sans excès : on reste très loin de « Black Molly » ! « Jesus Never Had A Motorcycle », à cheval entre country-rock et ballade musclée, clôt de manière assez peu convaincante (malgré un titre amusant) un album moyen, un peu « mou », un peu trop classique, même si le groupe a visiblement voulu cette orientation très « classic country » (commerciale ?), mais bien fait, toujours agréable à écouter et très fluide grâce au savoir-faire des musiciens. Le problème qui se pose maintenant est celui de l’inspiration, de l’implication et de l’envie de ces musiciens. On ne sent pas ce disque traversé d’une folle énergie. Clay Cook n’est crédité que d’une seule partie instrumentale et de trois interventions dans les chœurs et Stuart Swanlund ne participe qu’à quatre morceaux. La multiplication des invités cache mal un problème d’unité et de créativité : seuls trois titres sur dix créditent les membres actuels : « A Sad Cowboy Song », signé du seul Pat Elwood, « Down The Road Before II » qu’on doit au talent conjugué de BB Borden et Chris Hicks, et « Crossroad » où Doug Gray et Chris Hicks sont mentionnés en compagnie de Buddie Strong. A côté de ça, quatre titres sont fournis par des membres décédés : outre la signature mentionnée ci-dessus de Toy Caldwell pour « Why Am I Crying ? », on retrouve la patte du regretté George McCorckle (qui aura au moins eu le plaisir de voir et d’entendre cet album) dans trois morceaux (« The Guitar Playing Man », « I Love You That Way », et « Jesus Never Had A Motorcycle »). Un peu juste pour préparer la suite…
Dès lors, on peut se poser quelques questions sur le devenir du groupe, et sur le prochain album, que pour ma part je vais attendre avec une certaine impatience, car il est clair à ce stade que j’attends une réaction de ce grand groupe sudiste. Malgré la présence en son sein de musiciens brillants (trop peu réunis pour élaborer ensemble leur musique ?), il semble trop écouter les sirènes des directeurs commerciaux et il nous fait languir d’une production marquante, d’un disque enthousiasmant posant de nouveaux jalons, après deux opus très agréables (ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit) et très soignés, mais peu innovants : un album de Noël réussi
et cet album en demi-teinte. Gare à la chute dans la banalité ! 2008, le réveil en fanfare
du « Marshall Tucker Band » ?

Yves Philippot